Danser avec ses peurs

Ajouté le 31/01/2019

Sortir de sa zone de confort c’est entre autre accepter de pénétrer ou se rapprocher de
sa zone de peur. Elle est pour beaucoup un mystère et pourtant on l’approche si souvent
qu’elle en devient familière. Tel un mur elle se dresse pour marquer la limite entre le
connu et l’inconnu. Mais finalement, ce sentiment de peur omniprésent tout au long de
notre vie, que certains tentent d’éviter et auquel d’autres aiment se frotter, est-il un
obstacle ou un tremplin ? A défaut de pouvoir les bannir de notre existence, pourquoi
finalement ne pas apprendre à danser avec nos peurs ?

La peur est définie dans les dictionnaires comme un sentiment d'angoisse éprouvé en
présence ou à la pensée d'un danger, réel ou supposé.
Alors, de quoi avons-nous si peur ? Peur de faire ? Peur de perdre ? Peur d’être, de ne
pas être ou de ne plus exister? La peur se décline sous toutes ses formes et avoir peur se
conjugue à tous les temps.

Tentons de mieux la comprendre avant d’imaginer pouvoir l’influencer.
La peur est une émotion et, comme toutes nos émotions, elle résulte d’une
interprétation de notre cerveau face à une situation objective ou une situation imaginée.
Notre cerveau va identifier et traiter les informations liées à ces situations à travers un
ensemble de filtres que sont notre éducation, nos expériences de vie, nos
apprentissages, nos croyances, notre personnalité et nos humeurs … Alors, on comprend
que nous ne soyons pas égaux face aux peurs. Ce qui effraie certaines personnes peut
s’avérer émotionnellement neutre ou même rassurant, voire excitant, pour d’autres
personnes.

Nous pouvons à ce sujet prendre la métaphore de l’immersion dans l’eau. Effectuer une
plongée sous-marine peut-être une expérience paralysante pour une personne n’ayant
pas appris a nager ou ayant vécu une expérience désagréable en mer, là où un plongeur
professionnel ou un passionné de la mer y verrait un instant de détente, de calme et de
sérénité.

L’objectif de cet article n’est pas de parler de la peur que l’on ressent devant un danger
immédiat ni celle produite par des événements traumatisants. Concentrons nous surtout
sur les peurs générées par la pensée, l’imagination et les croyances et notamment en
contexte professionnel. Que se passe-t-il lorsque je me retrouve face une situation

inconfortable, une décision difficile, un choix ayant des conséquences, une action
nouvelle ? Mon rythme cardiaque s’accélère, j’ai des difficultés à respirer, je transpire…
Ce sont des commandes du cerveau au corps face à un ressenti d’appréhension,
d’angoisse et d’anxiété. Ce type de peurs sont généralement liées à un contexte et sont le
résultat de nos expériences passées, de nos observations et de nos croyances concernant
une issue futur. Autrement dit, le fondement même de nos peurs se trouve en partie
dans le passé (experience, éducation, croyances) et dans le futur (supposition,
anticipation). Bien qu’un rapport au passé et une anticipation du futur puissent être des
sources d’informations, c’est en se concentrant sur la rationalité de l’instant présent que
l’on peut maîtriser la valse des peurs et choisir la réponse qui semble la plus adaptée à la
situation.

C’est la peur qui vous empêche d’aborder la fille ou le garçon de vos rêves. C’est la peur
qui vous empêche, lorsque vous avez une super idée, de la transformer en action pour la
concrétiser. Certains se privent de découvrir le monde par peur de prendre l’avion,
d’autres s’enferment dans une vie qui ne leur plait pas par peur du changement, d’autres
encore n’évoluent pas professionnellement par peur de prendre des initiatives et se
tromper.

Il apparaît donc comme une évidence que la peur est un ennemi majeur du progrès
humain. Mais nous allons découvrir qu’elle peut aussi être un allié.
Alors comment transformer la peur qui me repousse en peur qui me propulse ?
Comment transformer l’obstacle en tremplin ? Voilà un défi important.
Soyons bien conscient d’une chose, la peur est inévitable. La question est de savoir
comment on peut la gérer. A trop vouloir éviter d’avoir peur, on rate finalement les
opportunités de réaliser de grandes choses, on se restreint à un minimum, au médiocre
et on s’enferme dans cette fameuse zone de confort. La peur d’avoir peur nous maintien
enfermé dans une cage d’immobilisme. Il va donc falloir apprendre à la maîtriser et
l’utiliser pour s’en libérer.

Selon les statistiques, la peur numéro 1 chez l’humain est celle de parler en public.
Je dois, par exemple, donner une conférence à la prochaine convention régionale de mon
entreprise devant des centaines de personnes. Je suis effrayé à l’idée d’être face à elles,
seul sur scène, et pourtant c’est une superbe occasion d’être reconnu et de faire honneur
à mon équipe.

Je vais donc devoir comprendre cette peur. Qu’est ce qu’elle m’indique ? Que j’ai peur
d’être jugé ? Qu’il faut que je prépare bien à l’avance mon discours ? Qu’il est temps pour
moi d’acquérir cette nouvelle compétence ? Cette peur, je dois l’accepter, mais loin de la
laisser me dominer je vais chercher à la maîtriser et l’utiliser. Tout d’abord, je dois
contrôler ses effets physiologiques, respirer lentement pour reprendre le contrôle de
mon corps et l’apaiser. Ensuite, je vais visualiser cette conférence, et m’imaginer entrer
sur scène, et percevoir le regard bienveillant et encourageant de l’auditoire, le
déroulement de mon discours et ma sortie sous les applaudissements. A ce moment là je
reprends le contrôle de mon esprit. Je suis passé d’une peur qui me repousse à un état
neutre mais instable car momentané. La peur peut revenir à n’importe quel moment
m’envahir. Et je vais la laisser faire, mais cette fois-ci c’est moi qui vais lui dicter son rôle.
Je vais avoir peur d’être médiocre et donc je vais me préparer a ma prise de parole. Je
vais avoir peur d’oublier ce que je veux dire, et donc je vais répéter et m’entrainer à
réciter mon discours. Je vais avoir peur de passer inaperçu alors je vais trouver les mots
qui touchent pour un discours qui marquera les mémoires.

Si la peur qui repousse tend à rester immobile, la peur qui propulse tend à réaliser
l’extraordinaire.
Et la prochaine fois qu’il me sera proposé une prise de parole en public, ou de sortir de
ma zone de confort, je me souviendrai de mes succès, je me souviendrai de comment j’ai
appris à danser avec mes peurs et comment elles m’ont rendu plus fort. Ces mêmes
peurs face un événement similaire auront donc de moins en moins d’emprise sur moi, ce
qui me permettra d’éloigner le mur de ma zone de panique et d’élargir ma zone de
confort pour me donner la volonté et la force de relever de nouveaux défis.

Finalement la gestion de nos peurs ne peut elle pas s’apparenter à une danse ? Celle
d’une chorégraphie qui doit être comprise et acceptée avant de pouvoir être maitrisée.
Une danse faite de contraintes et d’opportunités, de corps qui parfois se repoussent et
parfois s’attirent. Une chorégraphie réussie grâce à un mélange d’intuition, d’expérience,
d’anticipation, mais également de réflexion et de rationalisation.

Comme le dit Chhimed Rigdzin Rinpoché, un prêtre bouddhiste « L’être humain est
semblable à une voiture à deux moteurs. L’un pousse en avant, ce sont nos aspirations

positives, et l’autre tire en arrière, ce sont nos peurs, nos préjugés et vues fausses, nos
doutes et nos culpabilités. ».
La peur est comme un moteur qui fait avancer ou reculer, personne ne peut se
soustraire à sa force, mais la décision nous appartient de comment on veut l’utiliser.

Swann Xerri

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